Il se pourrait qu'il n'y ait rien de commun entre ce que nous nommons philosophie et ce que Platon nomme pour la première fois philosophia. Sous ce nom ne s'est pas d'abord comprise la spécificité d'un savoir mais une certaine relation de désir au savoir, qui modifie les deux termes. Tout a été brouillé par la pâle interprétation de l'érotique platonicienne comme élan vers un ineffable, ascension vers une contemplation. Désirer penser, c'est penser. Chez Platon, la philosophie n'est encore assurée ni de sa possibilité, ni de sa réalité, ni de sa définition, ni même de son nom, elle l'est seulement, et seulement pour elle-même, de sa nécessité. Si la philosophia désigne essentiellement la manière propre qu'a l'intelligence de désirer, il n'y a pas plus d'intellect séparé de l'âme que de philosophie sans philosophe.Il s'agit donc, dans cet ouvrage, de faire deux choses en même temps. D'un côté, déterminer les différents sens donnés par Platon au terme philosophia : dénommant, dans les premiers dialogues, l'activité propre et la force qui anime un personnage, Socrate, la philosophia reçoit du Phédon jusqu'au Phèdre ses dimensions intérieures et est pensée comme nature ; ensuite, sa modalité dialectique se précise tandis que s'opère sa déduction politique et cosmologique. De l'autre, lire chaque dialogue comme l'exercice d'une philosophia, ce qui signifie ne pas s'encombrer de thèses, de théories et de méthodes et lire avec scrupule et liberté les textes les plus subtilement ironiques, les plus volontairement fragmentés, les plus multiplement médiatisés qui soient.
Tradition de la pensée classique.,
1251-4756
Platon., "Dialogues"-- * philosophie.
Platon., Dialogues., Français., Extraits.
Platon,0427?-0348? av. J.-C-- Critique et interprétation.